La présente étude porte sur la réception des 24 Préludes de François Dompierre créés par Alain Lefèvre le 14 juillet 2012 à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay du Festival de Lanaudière. La soirée, placée sous le signe de la découverte d’une nouvelle œuvre et de la célébration de la création québécoise, a été perturbée en première partie de concert par les applaudissements d’une partie du public, lequel répondait positivement à la virtuosité du pianiste entre chaque prélude. Les responsables du festival avaient pourtant demandé d’applaudir uniquement entre les parties, donc à l’entracte et en fin de concert. Dès lors, l’une des conventions les plus solidement établies dans l’écoute de la musique classique en concert (c’est-à-dire le fait d’applaudir une fois l’œuvre terminée) est devenue, d’un prélude à l’autre, la source d’une tension sociale au sein du public entre ceux qui voulaient applaudir et ceux qui revendiquaient le droit au silence. Finalement, le silence fut rétabli à partir du huitième prélude, mais au prix d’un recours à l’autorité qu’il importe de décrire avec précision pour en comprendre les incidences sur le concert, la portée culturelle et la dimension historique. Par le fait même, c’est la pratique d’écoute en concert qui est questionnée quant à ses finalités esthétiques. D’autant que dans le contexte festivalier où a été créée l’œuvre de Dompierre, la posture générale d’écoute favorise une situation plus relâchée, où peuvent intervenir des formes de dissension entre les valeurs des uns et des autres. C’est la raison pour laquelle l’étude s’appuie sur la sociomusicologie, qui est la discipline la mieux placée pour analyser les conventions et les rituels au fondement de notre relation à la musique, tout en dévoilant le contenu historique des pratiques culturelles comme celle de l’écoute de la musique classique.
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Une version courte de cet article a été publiée dans Le Devoir :